Située à l’écart, cette chapelle présente un jeu de polychromie sur ses murs extérieurs et des sculptures intéressantes : deux têtes sur le fronton occidental et, à l’intérieur, deux masques grimaçants sur les ébrasements de fenêtres ainsi que deux « cuves baptismales », l’une ornée d’un serpent lové et l’autre de trois têtes humaines.
Nichée sur un plat de la colline dominant Montemaggiore, la chapelle San Rainiero se dresse au milieu d’un petit cimetière près d’un ancien ermitage qui sert aujourd’hui de pallier.
La légende raconte qu’au 19e siècle, un des derniers ermites vit trois petites lumières dans l’église. Il avertit la population et, à la demande de l’évêque, on fit des fouilles dans le chœur : on y trouva trois ossements de San Rainiero !
Ce Saint, citoyen de Pise ayant vécu de 1118 à 1161, mena une vie exemplaire après avoir connu une jeunesse dissolue.
La chapelle, la seule en Corse qui lui soit dédiée, est conforme aux caractéristiques des édifices pisans : nef centrale et abside semi-circulaire orientée à l’est. Elle présente un jeu de polychromie des blocs de granit gris sombre, blanc, rouge pâle et vert disposés en bandes ou en mosaïques. Les murs reposent sur un soubassement mouluré très important, surtout à l’ouest car la déclivité du terrain y est la plus forte. Un chemin d’eau entoure l’édifice.
Sur la façade occidentale, deux têtes sculptées, dont une en haut relief, se détachent de part et d’autre d’une croix ajourée, que l’on retrouve au sommet du fronton est.
La porte occidentale est surmontée d’un linteau monolithe en bâtière reposant sur des corbeaux décorés d’un motif en cordelière et surmonté d’un arc surhaussé formé de claveaux en granit gris (certains sont rainurés). Le tympan est orné d’une croix fortement taillée en creux.
Une porte latérales est percée de chaque côté : étroites, elles sont surmontées d’un arc fortement surhaussé formé par les traditionnels claveaux. De chaque côté également, on distingue deux fenêtres en meurtrière dont certaines sont décorées de lignes concentriques.
Un détail est frappant : les trous de charpente ont été consciencieusement rebouchés.
Sur le fronton est, en dessous de la croix ajourée, on peut lire la date de 1686.
L’intérieur de la nef surprend par sa longueur, 17m70 pour une largeur de 7,80m : le sol présente trois niveaux conduisant vers une large abside semi-circulaire voûtée en cul de four et précédée d’un arc triomphal marqué par des claveaux de pierres grises. L’autel baroque masque complètement les trois fenêtres en meurtrière aperçues de l’extérieur. Des bancs en maçonnerie sont adossés aux murs latéraux dans les 2/3 de leur longueur. Seule différence avec l’extérieur, la porte nord présente une petite croix sculptée en relief sur le claveau central.
Des masques ornent l’ébrasement de l’arc qui surmonte les deux premières baies de la nef : si l’un est comique ou rieur (sud), l’autre au contraire a l’air tragique ou en colère avec sa bouche ouverte (nord).
De curieux motifs se retrouvent tant à l’extérieur (l’abside, mur nord) qu’à l’intérieur (trace de pas, pas ou poisson, cercles ; petit cheval sur l’abside). Signature ou divertissement de maçons ?
Notons encore deux curieux objets : près de l’entrée, une sorte de cylindre orné d’un serpent en relief qui en fait le tour avec un trou dans la partie supérieure. L’autre, près du chœur, a la forme d’une grande jarre surmontée de trois beaux visages : deux hommes et une femme coiffée de nattes. Ces deux pièces sont-elles à mettre en rapport avec l’idée de cuve baptismale ? Rien ne permet de le préciser tout comme la signification de quelques motifs gravés sur les murs.
Bâtie comme bien d’autres sur une ancienne bourgade romaine (on peut voir des morceaux de tuiles romaines dans les interstices de l’édifice et du mur d’enclos), cette église, sert au culte une fois par an, le 17 juin.
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