Blottie derrière une église du 17e siècle, la chapelle Santa Maria delle Nevi vaut le détour : récemment restaurée, elle porte les traces de différents agrandissements, des gravures naïves et un linteau de porte étonnant. Elle renferme les fresques les plus anciennes connues en Corse, datées de 1386 et signées par Giovanni di Recaro (attention, avoir la clé !).
La chapelle Santa Maria est un des joyaux du Cap corse. Sa datation crée la polémique entre les chercheurs : elle aurait été érigée à la fin du 9e siècle-début du 10e siècle pour G. Moracchini-Mazel, 11e-12e siècle pour D. Istria et entre la moitié du 12e et la moitié du 13e siècle pour R. Coroneo. Mais il est certain qu’elle est mentionnée dans un document de 1281. Elle fut piévane et aussi la chapelle seigneuriale des Avogari dont les ruines du château émergent non loin. Si la chapelle connut sans doute une intervention à la fin du 11e ou au 12e siècle dans le grand mouvement de restructuration de l’Eglise corse, il nous semble que ses origines sont plus anciennes comme en témoignent les nombreux remaniements. Quoi qu’il en soit, elle fut agrandie en 1378 vers l’ouest et dotée de fresques datées de 1386, les plus anciennes connues sur l’Ile et signées. L’abside fut murée au 17e siècle pour ériger un nouvel autel.
L’édifice, construit de petites pierres de calschiste de Sisco, comporte une nef se terminant par une abside semi-circulaire voûtée en cul de four. Elle devait avoir une largeur de 6,75 m et une longueur à l’origine de 8,15m portée à 13,80m par la suite
Du côté est, notons trois éléments : une fenêtre meurtrière surmontée d’un arc formé de petits claveaux en tuffeau au centre de l’abside, une croix ajourée au milieu du fronton et une corniche formée d’un double cordon de pierres disposées en avancée.
Le mur nord présente de nombreuses traces de modifications. La partie d’origine se trouve près de l’angle nord-est et englobe la petite fenêtre surmontée de claveaux. Une première porte a été murée : on voit encore le tracé de l’arc en plein cintre composé de petits claveaux. Une deuxième porte, avec un simple linteau, a, elle aussi, été murée. La porte actuelle se trouve dans la partie ajoutée au 14e siècle. Cette partie a réutilisé des pierres portant des gravures naïves : rosaces, bateau, arbre, figures géométriques, épitaphes de défunts inhumés autour de l’église.
La façade ouest est ornée d’une croix ajourée et d’un linteau gravé surmontant la porte : au-dessus de l’arc en plein cintre au tympan nu, une croix, encadrée de deux autres croix. A gauche, des motifs difficilement identifiables : ligne en zig-zag, figures géométriques, dans le bas un arbre stylisé ( ?). Ce linteau est sans doute un réemploi d’un premier édifice. Sur cette même façade, une inscription porte la date de 1378 moment où des travaux furent entrepris par Bibiano Da Marre, sans doute un seigneur du Cap corse qui pourrait être le commanditaire de l’agrandissement de la chapelle.
A l’intérieur, l’abside voûtée en cul de four était décorée de fresques dont il ne reste que des fragments (Christ en majesté ?). Elle est cachée par un autel-retable baroque, oeuvre de Francesco Marengo (premier quart du 17e siècle). L’autel, dont la face est un bel exemple de “stucco lustro”, est surmonté d’un triptyque de 1585 ( récemment restauré à Paris) présentant la Vierge entourée de Saint Martin, Saint Roc (en haut) et de saint Jean-Baptiste et sainte Catherine d’Alexandrie (en bas).
Sur le mur latéral sud se profilent des fresques présentant six saints. Saint Jacques est le mieux conservé : vêtu d’un manteau d’écarlate et d’une tunique verte, il a la tête auréolée. A ses côtés un porteur d’épée, St Michel, porte une cape recouvrant une tunique. Plus loin, Saint Christophe tient l’Enfant Jésus alors que Sainte Catherine est identifiable grâce à la roue qu’elle tient de sa main droite. Enfin, un dernier personnage, revêtu d’une cape de pèlerin, pourrait figurer Saint Antoine Ermite. En dessous de Saint Jacques, un petit personnage agenouillé, les mains jointes dans la prière, est la donatrice Benedicta. Une inscription mentionne que ces fresques datées de 1386, ont été exécutées par l’artiste génois Giovanni di Recaro, à la demande de Domina Benedicta, fille du seigneur génois Giuctifredi Imperiale et femme de Giocomo di Brando, seigneur Gentile, tué en 1377 lors d’une escarmouche. Giovanni di Recaro serait aussi l’auteur des fresques de San Quilico à Monticello.
Lors de la restauration, des sondages ont mis au jour un bandeau de pierre gravée de motifs semblables à ceux du mur nord (extérieur) et des traces de peinture que l’on retrouve également sur les poutres de la charpente. Cet élément permettrait de penser que la charpente est encore d’origine.
Non loin de la chapelle, ont été construites l’église paroissiale actuelle, Santa Maria Assunta (1618), qui connut d’importantes restaurations au 19e siècle, et la chapelle de la confrérie Santa Croce du 15e siècle (qui contient encore des fragments de fresques attribuées à Nicolas Corso)
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