Un des plus beaux sites de Corse par son environnement et par l’ancienneté des ruines. Habité à l’époque romaine, il fut christianisé dès les 5e-6e siècles par l’édification d’une petite basilique et d’un baptistère. Sept niveaux de sol ont été identifiés dans l’église.
La basilique fut remplacée aux 10e-11e siècles par une église plus grande, agrandie au 12e siècle, époque à laquelle fut également construit le grand baptistère, San Giovanni Battista.
Perdues en pleine nature, les ruines se dressent dans un site empreint de sérénité et au carrefour d’anciens sentiers muletiers, en surplomb de la vallée du Golo.
Au premier coup d’œil, l’église, engoncée dans le terrain, semble complètement de guingois. Cette situation s’explique par le fait qu’au cours des siècles, de nombreux glissements de terrain se sont produits au point de menacer les constructions. Les travaux menés par la FAGEC à l’initiative de Geneviève Moracchini-Mazel ont permis de dégager et de consolider ce qui restait. Au cours de ceux-ci, des vestiges beaucoup plus anciens ont été mis au jour et sept niveaux de sol ont été identifiés.
Sous l’église actuelle, on a découvert les vestiges d’une petite basilique à trois nefs construite au 5e siècle édifiée à proximité d’une bourgade romaine. Le sol était recouvert d’un pavement en mosaïques (non visibles) si semblables à celles de La Canonica qu’elles pourraient provenir du même atelier.
Accolé au mur sud, se dressait un petit édifice à abside abritant un baptistère cruciforme, lui aussi du 5e siècle.
Plus tard, vers le 10e siècle, l’église fut reconstruite sur les vestiges paléochrétiens sans doute à la demande du pape Grégoire le Grand, comme San Petrucolo d’Accia. Seule l’abside n’a pas connu de modifications, seulement des pilastres ajoutés au 11e siècle. Elle se caractérise, à l’extérieure, par un beau décor d’arcs reposant une fois sur deux sur un fin pilastre. Des fragments de tuiles et briques romaines soulignent les arcatures. La fenêtre absidiale était couverte d’une archivolte échancrée aujourd’hui présentée dans le mur du lavoir de Casalvana. D’autres éléments provennant de Santa Maria se retrouvent ailleurs comme le linteau de la porte occidentale (sur place un moulage) et celui de la porte sud (?), tous deux intégrés dans la façade de l’église paroissiale Saint Michel (1646-1740).
A l’intérieur, l’arc triomphal présente lui aussi un intéressant jeu de polychromie.
L’édifice avait deux portes latérales : l’une au nord, l’autre au sud. Cette dernière a été obturée et peut-être surmontée d’un tympan présentant Adam et Eve (tympan aujourd’hui présenté dans le baptistère). Ce tympan du 9e siècle est un remploi.
Au 12e siècle, la nef est allongée pour connaître les dimensions que nous lui connaissons, 16,85 m x 7 m. La façade occidentale est donc reconstruite ainsi qu’une partie des murs nord et sud. A l’extérieur, un nouveau baptistère remplace celui qui était situé dans l’église.
La datation proposée par Geneviève Moracchini-Mazel n’est pas partagée par tous : si Daniel Istria et Roberto Coroneo reconnaissent la présence d’une première église du haut Moyen-Age, ils proposent de dater l’édifice actuel (y compris l’abside) de la fin du 11e-début 12e siècle. Daniel Istria attribue à la pieve un rôle exclusivement ecclésiastique alors que certains avancent l’idée d’un rôle juridique et social supplémentaire.
Les dimensions du baptistère étonnent, près de 11m de diamètre. Deux portes y donnaient accès, la porte nord étant surmontée d’un tympan sculpté : un serpent se mordant la queue.
Les murs, percés de 4 fenêtres en meurtrière, parfois soulignées d’un trait gravé, étaient décorés à l’extérieur d’une arcature avec modillons sculptés (têtes humaines, motifs géométriques…). Certains de ceux-ci sont placés dans le mur de la fontaine de Casalvana.
La cuve baptismale a disparu mais un dessin du 18e siècle permet de la reconstituer : un bassin rectangulaire en maçonnerie peu profond entouré d’un muret était surmonté d’une tour à gradins servant de support à la charpente en bois.
Cet édifice, le plus grand en Corse ayant gardé une partie de son élévation (3,65m), a souffert de glissement de terrain et a servi de carrière tout comme l’église d’ailleurs dont le linteau triangulaire de la porte occidentale a été arrachée pour être réutilisé dans l’église de Valle.
Santa Maria resta église piévane jusqu’en 1646 car vu son isolement, les fonctions paroissiales furent transférées dans un autre oratoire. En 1740, l’église ne servit que pour les trois fêtes importantes de la Vierge (la Nativité, la Purification et l’Assomption).
L’abandon fut définitif au 19e siècle.
Une séance d’hommage à Geneviève Moracchini-Mazel eut lieu, en mai 2014, dans ce site que la grande archéologue affectionnait tant.
Arnoux-Gabrielli A., Eglises romanes de Corse, 2016, p. 106
Coroneo R., Chiese romaniche della Corsica, 23-24, 61-62, 71-74, 78, 82-83, 104, 167-169, 171-172
Corse médiévale, Guides archéologiques de France, 2014, p. 101, 105
Duval N., Les premiers monuments chrétiens de la Franc, le Sud-Est et la Corse, 1995, p. 361-365
Istria D. dans Corsica christiana, 2001, 2 p. 25 notice 38, p. 33 notice 55 et 56
Istria D., Pouvoirs et fortifications dans le nord de la Corse XIe-XIVe siècle, 2005, p. 103, 106, 113, 116, 122, 181, 288
Guide Bleu, Corse, 2009, p. 137-138
Guide Vert, Corse, 2009, p.491
Haute Corse, Gallimard, 2006, p.95
Les églises piévanes de Corse, XI La piévanie de Rescamone, Cahiers Corsica, 98-99, 1982, p. 3-28
Lonely planet, Corse, 2014, p. 265
Michel F., Pasqualaggi D., Carte archéologique de la Gaule, La Corse, 2013, p. 275-276
Monuments de Corse, 2003, p. 90-91
Moracchini-Mazel G., Corse romane, 1972, p. 55-58
Moracchini-Mazel G., Corsica Sacra, 2004, p. 207-208
Moracchini-Mazel G., Les églises romanes de Corse, 1967, t. I p. 51-52, 123-125, t. 2 p. 292-293
Quilici T., Mannoni J.P., Pieve di Rustinu, 2011, p. 80 sv., 100-114
Sites remarquables vu du ciel, Corse 2, 2010, p.51
Camuffo P., “Eglise piévane de Santa Maria de Rescamone”, Médiathèque de la Corse et des Corses (m3c.univ-corse.fr)
Camuffo P., Baptistère de San Giovanni Battista de Rescamone”, Médiathèque de la Corse et des Corses (m3c.univ-corse.fr)
Coggia.com/Coggia-Sagone/dossiers/Gaubert : Gaubert, Recherches sur les origines de la Corse par les monuments d’après les dessins pris sur place pendant les années 1886 à 1889, planche 12
Culture.gouv.fr/public/mistral/merimee_fr
elizabethpardon.hautetfort.com
France-romane.com
Verges.jeanmarie.free.fr